Mon âne

Publié le par Dolorosa

Mon âne
Petit conte de Noël

 

J’ai voulu remercier, par ce conte, les ânes, tous les ânes qui, humblement, travaillent et meurent aux côté des hommes depuis si longtemps.

Je vous propose donc Cafénoir, aux grands yeux bruns si émouvants, âne héroïque sans le savoir.

Bon Noël à tous, amis des ânes ou non.

 

 

 

Immobilisé, raidi, deux pattes dans l’eau noire et boueuse, Cafénoir ne voulait plus bouger. Il s’était pourtant évertué à signifier à Fabien qu’il fallait contourner cette mare de boue froide qui barrait le chemin. Il n’avait pas réussi à se faire comprendre et il tremblait maintenant de tout son vieux corps harassé. Il ne parvenait plus à tirer la lourde voiture, deux roues enfoncées dans la fondrière. Il se disait qu’il vivait le plus éreintant de ses voyages.

Fabien avait bien compris les réticences de son âne. Mais il était tard, la nuit tombait, une nuit glacée par un violent mistral : il avait balayé tous les nuages et les étoiles luisaient avec trop de netteté dans le ciel assombri. C’était signe de gel, de gelée et de verglas, peut-être bien, ce qui n’avait rien d’anormal le soir du 23 décembre. Fabien était fatigué et n’avait pas voulu rallonger sa route par un trop long détour. Ce voyage était vraiment pénible.

Cafénoir regardait Fabien avec confiance. Il le vit s’avancer jusqu’à lui, jusqu’à lui caresser le museau et le gratter affectueusement entre les deux oreilles, ce qu’il adorait. Quand Fabien recula d’un pas, l’âne le rejoignit et ainsi, pas à pas, ils se retrouvèrent tous les deux au sec. Et Cafénoir, courageusement, tirait la voiture à grands coups de reins. Il voulait retrouver enfin son écurie si confortable.

Fabien murmurait doucement à l’oreille de Cafénoir qui avait bravement repris la route. Fabien aimait son âne, et Cafénoir lui vouait une confiance sans bornes, depuis si longtemps, depuis toujours à vrai dire. Cafénoir se souvenait de tout et, l’âge venant, ses souvenirs lui revenaient avec acuité.

Dans sa belle robe sombre, à présent striée de poils blancs, Cafénoir avançait lentement sur la route caillouteuse. Mais également il se revoyait, petit âne à peine né, faible et tremblant, tenter de se hisser sur ses pattes graciles. Le museau velouté de sa mère l’aidait tendrement. Au prix d’efforts répétés, il avait réussi à se mettre debout, à faire un petit pas, puis deux, pour s’effondrer, harassé, sur la paille blonde, contre le ventre soyeux et chaud de sa mère. Il sentait sa langue un peu râpeuse le lécher doucement, le nettoyer soigneusement et le réchauffer. Ces longs câlins le poussaient lentement vers le ventre tiède, et il téta avidement. Alangui, il sombra peu à peu dans un sommeil bienfaisant, emportant avec lui l’image des yeux humides si chaleureux de sa mère, et, juste à côté, d’une tête blonde aux yeux bleus illuminés de bonheur et débordant de bonté.

C’est ainsi qu’était née l’affection profonde qui unissait Cafénoir et Fabien. D’ailleurs, c’était Fabien qui lui avait donné ce nom curieux : sa robe était plus sombre que le marron, et plus claire que le noir, disait-il.

Cafénoir grandissait. Le petit bébé devint un ânon déjà grand et costaud, espiègle et intelligent. Il adorait Fabien et le suivait partout, toujours en quête d’une caresse, d’une friandise. De son côté, Fabien quittait peu à peu l’adolescence pour se muer en un adulte de haute stature : les rudes travaux des champs en avait fait un athlète.

Fabien se plaisait à regarder son ânon abandonner son enfance, devenir un âne robuste. Alors, il lui enseigna son futur métier : âne agriculteur. Fabien était patient et doux, et Cafénoir rempli de bonne volonté et de courage. Tous deux ne tardèrent pas à former une équipe de valeur, endurante et expérimentée. Cafénoir mémorisait tout ce que Fabien lui apprenait, et savait l’utiliser à bon escient. Ils se connaissaient si bien…

C’est que, dans un mas provençal des Alpilles, les durs travaux ne manquaient pas : entretien des amandiers sur leur pente caillouteuse bien exposée au soleil ; soins des vignes solidement accrochées à leur colline escarpée ; fenaison dans les pâturages d’altitude ; moisson dans des champs peu étendus, sans oublier celui d’avoine ; récolte des fruits et des légumes ; et, bien sûr, la cueillette des olives, en décembre.

Cafénoir  connaissait bien son planning, et ne se trompait jamais. S’y ajoutait, de temps à autre, le transport de denrées encombrantes. Cafénoir était toujours volontaire, mais, cette fois, ce voyage était si long, si épuisant, qu’il pensait que ce pourrait bien être le dernier.

Tout en cheminant, Cafénoir revivait les jours heureux : le plus précieux c’était sa rencontre avec Stella, la plus belle ânesse du mas. Elle était si séduisante qu’il en resta béat. Ses grands yeux bruns brillaient tant qu’il trouva le courage de lui exprimer ses sentiments. Elle les agréa et se laissa courtiser longuement. Puis, un délicat soir de printemps, ils s’écartèrent du même pas, et la nuit retentit de braiements tendres et passionnés. Puis les flancs de Stella s’arrondirent lentement et, au bout de bien des mois, Cafénoir vit naître un charmant bébé qui lui ressemblait trait pour trait. Ce ne fut qu’un cri dans l’écurie : c’est Caféaulait ! Tout le monde riait. Cafénoir admirait son petit, plus clair que lui, et il était heureux et fier. Bien sûr, il eut beaucoup de petits ânons, mais il ne put jamais oublier cette première naissance.

Et les jours de marché : ils revenaient régulièrement. Certes, il devait tirer la grande charrette chargée de produits de la ferme. Mais, pour l’occasion, il fallait se lever très tôt, à l’aube. Fabien le toilettait soigneusement, le harnachant avec de jolis pompons rouges. Une fois arrivés, Fabien le dételait et le laissait avec un bon picotin et de l’eau. Cafénoir acceptait d’attendre sur le vaste foirail couvert à la saison froide. Il en profitait pour regarder le va-et-vient de la foule colorée, écouter les exclamations qui fusaient de tous côtés. Et toutes ces bonnes odeurs de lavande, de nougat, d’herbes de la garrigue et de chocolat chaud ! Fabien lui rapportait toujours sa friandise préférée : une belle pomme juteuse et croquante à souhait. Malgré le travail, c’était une agréable récréation ; rien à voir avec ce qu’il endurait sur cette route infernale.

Mais Cafénoir gardait tout au fond de son cœur un souvenir merveilleux : le mariage de Fabien avec Marinette. Il la trouvait adorable dans sa belle robe d’arlésienne, avec sa jolie coiffe à ruban. Elle souriait, à côté de Fabien qui avait revêtu son beau costume ; lui-aussi, il avait grand air dans son gilet provençal ; son chapeau tout neuf lui allait à ravir. Et lui, Cafénoir, il avait été étrillé et pansé avec soin ; ses petits sabots noirs bien cirés brillaient ; sa tête, bien brossée et peignée, lui donnait belle mine. Puis il fut paré de pompons rouges et de clochettes aux sons argentins. Enfin on installa sur son dos des brassées de fleurs blanches. Ainsi embelli, on l’attela enfin à la légère voiture noire à deux chevaux, décorée de guirlandes de fleurs et de pompons blancs et or. Et, suprême honneur, on attela, à la place vacante, le jeune Caféaulait aussi superbement harnaché  que lui. Tous deux resplendissaient.

Patiemment, ils attendaient la sortie de l’église du jeune couple, sous les regards admiratifs. Et ils eurent aussi leur part d’exclamations quand les jeunes mariés regagnèrent leur voiture. Il y eut même un photographe avec son trépied pour immortaliser l’événement.

On en parla longtemps au village, et ce souvenir finit par devenir un proverbe : « fier comme un âne qui se marie » ou « beau comme un âne qui se marie ».

Et puis la vie reprit son cours. Marinette était heureuse et chantait dans la cuisine, chantait en soignant son jardin. Elle chantait en apportant son déjeuner à Fabien dans les champs. Elle chantait aussi en caressant l’âne, essuyant l’écume de sa robe. Fabien était heureux, ça Cafénoir l’avait compris. Mais quand Marinette ne vint plus, il regarda Fabien : ce dernier lui expliqua qu’elle attendait un petit et qu’elle devait se reposer. Alors, Cafénoir attendit patiemment, lui aussi. Ce fut très long, mais il le vit enfin, le petit Frédéric. Cafénoir le contempla, ce joli bébé aux cheveux châtain et à la peau couleur de miel. Il fut déçu, très déçu : il aurait tant voulu qu’il soit le portrait de Fabien, comme Caféaulait était le sien.  Mais quand il vit le bonheur de Fabien, son émotion et sa fierté, il oublia ses réticences et l’aima.

Et les saisons se succédaient. Un second bébé agrandit la famille. Ce bébé était tout le portrait de son père, mais c’était une fille, Florette. Cafénoir fut désarçonné par cet ordre des choses. Mais il avait vieilli, et aimait les enfants, ces petits êtres qui grandissaient bien plus lentement que les siens. Avec lui Frédéric et Florette jouaient en parfaite sécurité, et Marinette chantait.

Les mois passaient, trop vite à présent. Le vieil âne, toujours aussi vaillant, marchait plus lentement, comme le pas de Fabien ; le temps n’avait pas courbé sa haute taille, mais il avait marqué d’argent sa chevelure blonde comme il avait blanchi la robe sombre et la crinière de Cafénoir.

Et cette route douloureuse n’en finissait pas. Cafénoir ressentait la lassitude de Fabien. Il respirait bruyamment, comme son âne, leur haleine se diffusait dans l’air coupant en petits nuages légers. Cafénoir sentait son corps couvert de sueur l’envelopper d’une buée, givrant peu à peu. Cafénoir comprit qu’il accomplissait là son dernier voyage.

Hébété, il vit enfin apparaître le toit de tuiles romaines d’un rouge éteint, qui abritait le mas. Il se traina jusqu’à la cours et s’arrêta. Fabien le détela très vite et l’aida à gagner son écurie. Là, à l’abri du vent et du froid, il lui retira tout son harnachement et le bouchonna le plus vigoureusement qu’il put, effaçant les taches de boue, les salissures du voyage. Frédéric entra, et devant la fatigue de son père, pris sa place. Ses gestes énergiques réchauffèrent l’âne engourdi. Puis, sans avoir eu le temps d’y voir, Cafénoir se retrouva emballé de chaudes couvertures, la mangeoire bien garnie et l’abreuvoir rempli d’eau claire.

Mais il n’avait ni faim ni soif. La fatigue refluait en longues vagues douloureuses et ses jambes tremblaient. Alors, il se coucha sur le ventre. Son cœur battait trop vite ; respirer était très pénible, et ses poumons le brûlaient. Cafénoir souffrait de courbatures, un peu partout, et ses pieds étaient traversés d’élancements brefs.

Cafénoir baissait la tête, devenue trop lourde pour son cou raidi de fatigue. Des voyages pareils, ce n’était plus pour lui, place aux jeunes ! Il devait maintenant accepter de se ménager : la vaillance ne lui manquait pas, mais son corps ne suivait plus. Triste constatation… Son cœur s’apaisa ; une douce somnolence s’empara de lui.

Il n’entendit me pas Fabien entrer dans son écurie, un Fabien angoissé. Son âne respirait bruyamment, avec des inspirations trop lentes, trop lourdes. Il redoutait une grave pneumonie, et quand Marinette vint aux nouvelles, il l’envoya chercher monsieur Daumas, le vétérinaire, de toute urgence.

Cafénoir perçut enfin la présence de Fabien : ses yeux s’ouvrirent, remplis d’amour et de confiance. Fabien contemplait ses grands yeux bruns qu’il aimait tant et, sans s’en rendre vraiment compte, il se mit à pleurer. Dans un ultime effort, l’âne tentait de se rapprocher de lui, quand une atroce douleur lui tordit le cœur, le lui transperça comme une épée. Cafénoir retomba en arrière, le cœur battant la chamade, la respiration courte.

Monsieur Daumas entra enfin, mais son diagnostic fit sangloter Marinette : Cafénoir se mourait lentement. Fabien se coucha sur la paille, tout contre le corps de son vieil âne agonisant, il écoutait son cœur battre si irrégulièrement, ses râles se succéder.

Inquiets, les enfants se faufilèrent dans l’écurie. Cafénoir ne râlait plus, ne respirait presque plus. Vers les quatre heures de l’après-midi, ce vingt-quatre décembre, Cafénoir s’éteignit doucement, sans plus souffrir.

 

C’était la vie, c’était l’histoire d’un âne de Provence…

Quand il rouvrit les yeux, Cafénoir se demanda où il était arrivé : il était couché sur une litière confortable, dans une écurie claire et bien aérée.

Un vieil homme à la longue barbe blanche le salua avec amitié et lui raconta ceci :

«  Non, je ne suis pas Fabien. Je me nomme Noé et tu te trouves dans le refuge que j’ai créé pour accueillir tous les animaux qui ont franchi la grande porte de la vie. Tu t’y reposeras, et tu y attendras tranquillement l’arrivée de Fabien, ou de Marinette, ou des enfants, quand leur temps sur terre sera terminé. Tu retrouveras ainsi tous ceux qui te sont chers. Et tu vas revoir tes amis. Tu vas revoir Souricette, la chatte grise, qui gardait si bien les greniers et les granges. Et puis le puissant taureau de Camargue, noir aux cornes d’ivoire, que tu appelais Cornes de fer quand tu étais un ânon bruyant et facétieux, et le chien Sentinelle qui protégeait la maison de ses abois menaçants, il a bien dû te mordiller les pattes, hein ? Et Bichette, la mignonne chevrette, ta copine, quand tu étais en enclos. Et Stella, ta belle Stella, viendra la première à ta rencontre. »

« Tu vois, Cafénoir, tu seras en bonne compagnie. Et tu pourras te faire de nouveaux amis parmi tous les animaux sauvages du monde entier ! Oui, ils ont tous vécu grâce à la protection d’âmes bienveillantes et généreuses. Eux, ils attendent leur bienfaiteur. »

«  Et je m’occupe de tous les animaux, bien sûr, même et surtout de ceux qui n’ont connu que la cruauté du chasseur, les tortures infligées par les imbéciles et les ignorants, les souffrances imposées par des traditions barbares. Sans oublier les atrocités d’hommes avides d’argent facile. »

« Mon petit Cafénoir, tu vas aussi retrouver tes parents. Vois-tu, l’amour ne meurt jamais, il ne se perd jamais : sa flamme brillante illuminera toujours les yeux, réchauffera toujours les cœurs. »

Cafénoir avait bien écouté, et il réfléchissait longuement, secouant un peu ses oreilles palpitantes.

Voilà pourquoi, chaque jour anniversaire de sa mort, le vingt-quatre décembre, au matin, il quittait son refuge pour peiner, dans le froid et le givre, tout au long de la route caillouteuse menant à Bethléem. Sur son dos, il portait une jeune femme enceinte qui ressemblait à Marinette. Il était guidé par un homme de haute taille qui lui rappelait son Fabien.

Et quand l’enfant naquit dans l’étable noire et glacée, il veilla sur lui et le réchauffa de son haleine : ce merveilleux bébé, c’était Frédéric, c’était Florette.

Cafénoir avait ainsi réussi à retrouver ceux qu’il aimait tant. Et de son braiement le plus doux, le plus délicat, il vous souhaite à tous

 

                    Joyeux Noël !

                    Heureux Noël !

                    Tendre Noël !

 

 

Achevé le 10/11/2015

À Vandœuvre-lès-Nancy

Crédits : Pixabay.com, fr.freepik.com

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S
GRAND MAITRE DU RETOUR AFFECTIF<br /> <br /> Bonjour Mme, Mr<br /> Moi je me nomme Grand voyant marabout said ce qui signifie la solution a vos problème dans 7 jour, Je suis grand maître said du retour affectif , héréditaire de mon père très puissant donc pas de soucis à ce faire, voici un peux ce que je fais comme travaille de rituels:<br /> <br /> <br /> Retour Affectif Rapide dans 7 jours<br /> Rituel pour devenir attirant(e)<br /> Rituel pour reprendre avec son ex<br /> Rituel pour en finir avec l'infidélité<br /> Rituel pour stopper la jalousie<br /> Rituel pour éloigner les rivales (ou rivaux)<br /> Rituel contre la jalousie matérielle<br /> Rituel pour stopper la malchance<br /> Rituel pour attirer l'argent<br /> Rituel pour réussir son avenir amoureux<br /> <br /> Si vous, voulez vous faire aimer ou si votre ami vous a quitté je peux le ou la faire revenir dans 7 jours. Il, elle va courir derrière vous comme un chien derrière son maître. Amour durable. chance aux jeux, dés envoûtement, fidélité,<br /> Impuissance sexuelle, maladie inconnue, même cas désespérés. , travail<br /> Efficace et rapide.<br /> <br /> 100% de réussite garanti. Ne restez pas dans l'angoisse, il n'y a pas de<br /> Problème sans solution. je suis le seule a par dieu a trouver une solution à tous vos problèmes car si je commence ce travaille je pense bien que votre marie vous reviendra et vous serez unis pour le reste de votre vie si vous le désirez bien<br /> Mme ne vous faite plus de soucis car vous venez de trouvez la solution a ce problème alors n’hésiter pas a me contacter <br /> Pour ses rituels je dispose plusieurs sortes de vaudou et plusieurs maniérés de procéder<br /> <br /> Si vous utilisez une de mes Rituel vous trouverez la satisfaction dans 7 jours au plus.<br /> <br /> PS/ les résultats sont garantie à 100% avec une durée de 7 jours ni plus ni moin . <br /> <br /> NB/ Quelques soit la durée dont votre amour ou l'homme de votre vie vous a quitté il reviendra à coup sûr dans 7 jours ou votre femme . Quelques soit la personne concerné dans moin de 7 jours il ou elle s'inclinera sous votre charme et vous aurez le parfait contrôle sur lui .<br /> <br /> Donc pour le moment je ne veux rien prends d'abord pour le travaille, car c'est après la satisfactions que vous aurez a me donnez ce que votre cœur désire comme récompense.<br /> <br /> Voici mes coordonnées.<br /> <br /> mail: marabout.said@hotmail.fr<br /> <br /> MERCI
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