SUR LA ROUTE

Publié le par Dolorosa

Petite fantaisie pour Cécile

Ma petite chérie, prends ton sac à dos et tes baskets : il est temps que tu commences ton voyage vers la vie. Va à la rencontre de ceux qui t’entourent, mais prudemment, on ne sait jamais. Si tu le désires, je tenterai de te guider : cette route, je l’ai déjà parcourue, moi aussi…

Fais bien attention à tous les signes ; écoutes, écoutes le chant du coq…

Bonne route, ma Chérie,

Bonne vie.

SUR LA ROUTE…

Fantaisie pour Cécile

Une faible lueur apparut à l’est. Elle réveilla le vieux coq qui se leva, se campa sur ses ergots après s’être raclé la gorge et, fièrement lança un cocorico aussi sonore et vibrant que le son du clairon : il était censé faire se lever le soleil, les animaux et les hommes. Aussi s’étrangla-t-il de colère en apercevant deux personnes qui s’activaient déjà ; ce spectacle lui fit émettre une note complètement discordante, sa crête rougeoyant de fureur. Consterné, honteux au plus haut point, il cacha sa tête sous son aile !

-~-

Ce jour commençait de bien étrange façon !

Toute excitée en pensant à la foire de Colombey-les-Belles Francette allait et venait dans sa minuscule maison : faute d’espace, elle remettait chaque objet à sa place, sa maison était aussi soignée que sa propre tenue. Seul, un sac à dos semblait incongru dans cet intérieur si ordonné, ainsi que le second sac, de forme oblongue qui lui était assorti.

Après un dernier regard à son miroir, Francette commençait à fermer les volets, quand on frappa vigoureusement à sa porte. Elle l’entrebâilla très prudemment, assez pour voir un grand jeune homme blond qui attendait.

-« N’ayez pas peur, demoiselle. Je ne suis que François le petit, et je voudrais savoir si je suis sur la bonne route, celle qui mène à la Grange-aux-Belles, à la foire, s’il vous plaît ? »

-« Vous faites erreur, il s’agit de la foire à Colombey-les-Belles, j’en suis parfaitement sûre. C’est le vieux bedeau, qui ne ment jamais, qui l’a dit à notre curé. Deux hommes, des étrangers, habillés à la mode des gens d’église, l’air grave et austère, le lui avaient annoncé bien précisément. Il n’a pas parlé de la Grange-aux-Belles, mais bien de Colombey-les-Belles. Vous êtes dans la bonne direction. Moi aussi, j’y vais, à cette foire. Il paraît qu’on y trouve tout ce dont on rêve sans l’avoir jamais dit ! À personne ! »

-« Oui, on m’a dit cela, à moi aussi : deux hommes habillés en noir, un grand maigre et un petit gros. Mais moi, je ne rêve guère… Si, quand je rêve, je pense à mes parents, et je voudrais les voir… Je veux aller à la foire pour y trouver de l’ouvrage. C’est bientôt l’hiver, et il n’y a plus guère de travail à la ferme. À la foire, il faudra nourrir tous les visiteurs et moi je sais plumer, vider et rôtir à la broche les volailles, et je sais aussi éplucher les légumes et les faire cuire… »

-« Eh bien ! On dirait que vous voilà bon à marier, François le petit marmiton ! Pourquoi ce surnom, vous êtes très grand : si vous ne baissez pas la tête, vous vous cognerez dans le haut de la porte ! »

-« Le petit, c’était mon surnom quand j’étais un minot. Le père et la mère Bertrand m’avaient appelé ainsi à cause d’un François qui les aidait à cette époque-là. Vous voyez, je suis bon compagnon et j’aimerais faire route avec vous. Je suis plutôt très costaud, et je porterai volontiers votre sac à dos. Et je pourrai aussi vous protéger, les routes ne sont pas toujours sûres. »

-~-

-« Je vous remercie de me proposer votre aide, et j’accepte de grand cœur. Nous pourrons marcher en discutant, sans nous ennuyer. Je termine de fermer la maison et j’arrive ! »

Elle sortit très vite avec ses deux sacs. Elle hésita un peu à lui donner le plus lourd. Mais il avait l’air si honnête et ses yeux bleus étaient si francs qu’elle lui fit confiance. Pourtant, elle conserva précieusement le sac oblong.

-« Non, François, le petit, je le garde. Voyez-vous, je suis dentellière et ce sac contient mon travail de deux années. Mes dentelles, je les ai faites aux fuseaux, lavées, amidonnées à la gomme arabique, séchées, roulées et enveloppées dans une toile propre. Ce n’est pas lourd, mais si précieux pour moi ! »

-« Je comprends… J’aimerais bien les voir avant que vous les vendiez. Ah ! Votre sac à dos n’est pas bien lourd. Qu’y avez-vous donc mis ? »

-« François le petit curieux, je n’y ai mis que quelques vêtements de rechange et un solide casse-croûte, pour plusieurs jours, en fait. Je ne sais pas combien de temps durera la foire, si nous serons logés, où pourrons-nous manger… »

-« Francette, ne vous faites donc pas tant de soucis. Tout vient à point qui sait attendre, telle est ma devise. »

-« Ça se voit à votre bagage : un tout petit sac. Dans un sac aussi petit, qu’y met-on ? Une petite chanson peut-être ? »

-~-

-« Tiens, voilà une jolie dame qui n’est pas aussi prévoyante que vous ! Sa robe devait être belle avant de ressembler à un vrai torchon ! Ses cheveux auraient bien besoin de voir un peigne de toute urgence, et ses chaussures sont usées jusqu’à la corde. On dirait qu’elle a visité toutes les granges du canton ! »

-« Chère madame, que vous est-il donc arrivé ? »

-« Ma petite demoiselle, figurez-vous que je me rendais à la foire à Ville-aux-Belles, quand… »

-« Il s’agit de la foire à Colombey-les-Belles, madame. »

-« Bon, si vous voulez, mais les personnes qui m’ont avertie, deux messieurs fort sérieux vêtus de noir, m’ont parlé de Ville-aux-Belles. Qui croire ? hier donc, mon cocher est mort d’une crise d’apoplexie, pendant qu’il me conduisait : c’est la première fois qu’il ma contrariait… Et des malandrins ont volé tout mon équipage pendant que je m’occupais du pauvre homme. Pour mon malheur, ma bourse était restée dans ma voiture et je n’avais plus que mon nom, duchesse Frédérique de Villiers-Montagne, pour tout pécule. Croyez-moi, ce nom ne me nourrit guère ! »

-« Madame la duchesse, nous allons déjeuner. Auriez-vous la bonté de nous accompagner ? »

-« Dans ma situation, Monsieur, ça ne se refuse pas ! »

Les yeux brillants à l’idée de pouvoir manger enfin, la pauvre duchesse retrouva ses manières raffinées. Mais elle dévora tout ce que Francette déposa devant elle.

Elle alla même jusqu’à croquer les pépins de pomme avec distinction et noblesse.

Enfin rassasiée, elle s’allongea sur l’herbe pour une sieste réparatrice. C’était étrange : la température était si douce, et pourtant l’hiver était presque là.

-« Il était grand temps qu’elle s’arrête grogna Francette. Elle a beaucoup mangé et ce qui reste ne nous suffira pas ! »

-« Voyons, Francette, nous, nous saurons toujours nous débrouiller ! Cette pauvre duchesse, elle est plus démunie que nous ; loin de son château, elle est plus pauvre que nous. »

-« Je suis bien d’accord avec toi, mais qu’y faire ? Mourir de faim tous les trois ? Et, en plus, il faut nous dépêcher de reprendre la route… Il faut lui écrire un petit mot pour expliquer ce départ précipité. Peux-tu t’en charger ? »

-« Non. Je n’ai jamais été à l’école »

-« Bon ! J’écris le mot et je le glisse dans la poche de sa robe, hâtons-nous : il faudra trouver de la place sur le champ de foire. »

-~-

Ils reprirent la route. Francette finit par dire à son compagnon :

-« Et si nous parlions de l’école ? »

-« Oui… Je n’ai jamais pu aller à l’école. Il fallait que j’aide mes parents adoptifs. Je suis un enfant trouvé au bord du chemin, et les Bertrand, qui n’avaient jamais pu avoir d’enfants, m’ont adopté. Ce sont de bons et braves gens, et ils m’aiment vraiment comme leur fils. J’ai appris à travailler en les regardant. Et j’ai travaillé dès que mas bras me l’ont permis. Non, je n’ai jamais été à l’école. Mais je suis très adroit de mes mains et je sais tout réparer. Mais je n’ai jamais été à l’école et je ne sais ni lire ni écrire. Mais… »

-« Comment, vous ne savez ni lire ni écrire ? Ce n’est pas sérieux, pour un grand comme vous ! »

François le petit et Francette regardèrent autour d’eux et virent un petit monsieur tout vêtu de noir, armé d’un parapluie noir, qui les fixait. Francette retrouva un ancien réflexe :

-« Moi, monsieur l’instituteur, je sais lire et écrire ! »

-« Et tu vas à la foire du Pont-aux-Belles. Pour y faire quoi, ma petite ? »

-« D’abord, la foire elle se tient à Colombey-les-Belles. Et puis, je suis dentellière, et je vais y vendre mes dentelles, et… »

Francette s’arrêta net avec une gêne évidente. Elle ne pouvait pas avouer tout de go qu’elle aimerait bien en profiter pour faire la connaissance d’un riche marchand…lier une grande amitié avec lui…se faire épouser…au moins, elle serait à l’abri du besoin…quant à l’amour…elle pourrait l’aimer s’il ne la battait pas !

-« Et tu vas te conduire comme une dévergondée, hein ? »

François le petit prit la situation en mains :

-« Monsieur l’instituteur, Francette va à la foire pour son travail. Et si elle a envie de s’amuser, pourquoi pas ? »

-« Quel laxisme, jeune homme ! Mais venant d’un analphabète, on peut tout craindre ! »

Indigné, le vieil instituteur s’était arrêté, étouffant de colère. François et Francette en profitèrent pou s’esquiver et prendre la large.

-~-

-« Ma foin François, il va falloir apprendre à lire et à écrire pour qu’on t’appelle enfin François le petit érudit ! »

-« Tu sais Francette, j’aimerais bien apprendre à lire et à écrire, mais il va falloir être patient avec moi, je suis si ignorant… »

Ils riaient de bon cœur, et ils riaient encore quand ils heurtèrent un homme de taille imposante. Ils ne l’avaient pas remarqué, et pourtant, il était massif, large d’épaules, avec un ventre proéminent. Son teint était rubicond, et deux petits yeux vifs pétillaient au-dessus de joues poupines qui arrondissaient encore son visage lunaire.

-« Vous deux, au moins, vous êtes en forme ! Moi, j’en ai assez de marcher. Je voudrais enfin arriver à la Planche-aux-Belles, m’effondrer dans un bon fauteuil, et puis manger et boire un bon coup ! »

-« Monsieur, nous sommes désolés de vous avoir bousculé. Mille pardons. Mais il faut que vous sachiez que la foire se tient à Colombey-les-Belles, mais que vous suivez le bon chemin : vous n’aurez pas à revenir sur vos pas ! »

-« Où pourrais-je me restaurer un peu, Mademoiselle ? »

-« Je crois qu’il va vous falloir attendre d’arriver à la foire, Monsieur. »

-« Ce serait grand dommage pour votre région ! Je suis critique gastronomique, et mes lecteurs vont tous croire qu’on mange affreusement mal dans votre province, et surtout, pas souvent… Oh ! Je donnerais ma vie pour un petit croûton de pain dur ! »

-« Monsieur, Francette doit pouvoir vous le donner. Il te reste bien un peu de pain dans ton grand sac ?

-« Voilà, Monsieur, c’est tout ce que je peux vous offrir ! »

-« Merci, jolie demoiselle, Dieu vous le rendra ! »

-~-

Quand ils se furent éloignés, Francette s’écria brutalement. :

-« Je lui ai donné ce qu’il me demandait. Et puis, il faut bien penser au lendemain. Et puis, François, un sou est un sou et je dois beaucoup travailler pour le gagner, ce sou ! »

-« Mais je ne te reproche rien, Francette, rien du tout. Et tu as raison, bien sûr, et ça m’attriste. J’aimerais tant faire plus et mieux pour soulager ceux qui en ont besoin. »

Devant l’air renfrogné de Francette, le jeune homme se tut, comprenant toute la tristesse que contenait la sagesse de la jeune fille. La vie est une rude école, souvent, et lui, il la connaissait bien, cette école-là !

Il faisait vraiment chaud : un soleil incongru éclaboussait d’une lumière éclatante les branches dépouillées de leur verdure, et les feuillages roux, sans vie, à terre.

Ils finirent par dépasser une femme corpulente, aux formes rebondies qui se déplaçait avec beaucoup d’autorité.

-« Les enfants, pourriez-vous me dire quand nous allons arriver à La Combe-aux-Belles, je commence à fatiguer. »

-«  Vous n’y arriverez jamais, puisque la foire a lieu à Colombey-les-Belles. Moi aussi, je trouve le temps long et aussi qu’il fait bien chaud pour la saison ; on ne croirait jamais que l’hiver va arriver ! »

-« Oui, c’est bien vrai ! Il fait aussi chaud qu’au-dessus de mes fers à repasser. Je suis blanchisseuse et je lave et repasse le linge des gens et celui des maisons. Ça me change un peu de marcher, mais je me lasse vite ; je manque d’habitude. Deux hommes vêtus de noir, très corrects, sont venus me parler de la foire et de ses merveilles. Ils m’ont expliqué que je pourrais y voir des fers à repasser extraordinaires : leur aspect est très moderne, mais ils trainent une longue queue attachée à l’arrière. Ils chauffent tout seuls ! Je voudrais bien voir ça !  Quel progrès ce serait ! Et mon métier serait plus aisé !

-« C’est vrai, Madame… »

-« Pierrette, je m’appelle Pierrette, et si, un jour, vous avez besoin d’une bonne blanchisseuse, faites-moi signe ! »

-« Merci, et à plus tard, à la foire ! »

-~-

Ils avaient dépassé un brave ecclésiastique qui s’épongeait le front avec un vaste mouchoir à carreaux. François le reconnut et le salua joyeusement.

-« Mon père, allez-vous à la foire, vous aussi ? »

-« Oui, mon fils, je vais à la foire de Fontaine-les-Belles. C’est vraiment loin, et il fait si chaud, c’est anormal. Mais c’est toi, mon petit François ! Avec Francette ! Je suis tout heureux de vous revoir ! »

-« Mon père, la foire a lieu à Colombey-les-Belles, mais vous êtes sur la bonne route ? Qu’allez-vous donc chercher à la foire ? »

-« Eh bien, deux moines en robe noire, très pieux, sont venus à la cure me prévenir qu’il y aurait un imagier qui présenterait de belles images. Je veux en acheter pour les offrir en récompense aux enfants du catéchisme. Je crois qu’elles leur plairont. »

-« Oui, mon père, j’ai gardé soigneusement celles que vous m’avez données. Ce sont d’ailleurs les seules images que je possède. »

-« Mon petit François, tu étais un bon petit…et je crois que tu es resté bon. Et toi, Francette, je t’ai rarement vue, n’est-ce pas ? »

-« Monsieur le curé, c’était pour moi l’heure de garder les vaches. En même temps, je faisais ma dentelle, assise sur l’herbe, mon carreau sur les genoux. »

-« Oui, je suis venu te voir et te perler. Nous parlions et tu faisais danser tes fuseaux avec tant d’adresse… J’en étais émerveillé ! »

-« Monsieur le curé, c’était gentil à vous de me dire cela. J’étais en apprentissage, et je ne faisais que de la dentelle simple, pour ourler le bas des chemises de nuit. »

-« Tu as beaucoup de qualités, Francette. Toi aussi, tu es une brave fille, et je voudrais que tu restes ainsi. Maintenant, filez vite, mes enfants ! Le temps passe vite et je marche trop lentement, surtout par ce soleil d’enfer ! »

-~-

Quand ils reprirent leur chemin, d’un pas allègre, les voyageurs, plus nombreux, n’en finissaient pas de se hâter vers la foire… Plongé dans ses pensées, François réfléchissait, ralentissant inconsciemment son allure. Il n’écoutait pas Francette, qui l’incitait à suivre le rythme général. Elle s’inquiétait, mais François se posait des questions

En premier lieu, pourquoi les voyageurs allaient-ils tous dans des directions différentes, voire opposées souvent, pour se retrouver tous sur la route de Colombey-les-Belles ? Et, incidemment, pourquoi chaque nom de village se terminait-il par « les-Belles »  ou « aux-Belles » ? Si c’était une coïncidence, c’était étrange.

Et qui étaient ces hommes mystérieux, toujours vêtus de noir, parfois gens d’église, parfois moines, toujours très corrects, et même sévères ? On aurait pu croire qu’ils faisaient la publicité de la foire, qu’ils racolaient des clients potentiels, racontant à chacun ce qu’il voulait entendre. Appâté, chacun leur avait fait confiance, et c’était anormal : les campagnards sont plus prudents, d’habitude.

Quant à cette fameuse foire, il n’en avait jamais entendu parler, ce qui ne voulait pas dire grand-chose, la ferme étant son seul horizon, mais elle lui semblait maintenant un peu louche. S’agissait-il d’une mauvaise plaisanterie, d’un attrape-nigauds, d’une escroquerie… Il songea brusquement à un prêche du curé qui décrivait la foire aux illusions, qui mène à leur perte tous les crédules, innocents ou coupables mêlés. Comment savoir ?

Et que dire des bouleversements du climat ? Il n’était pas expert mais, tout de même, le plein été au début de l’hiver, ça choquait son bon sens. Il se sentait inquiet, sans bien comprendre…

Enfin, il regrettait vivement de n’avoir pas de montre. Certes, il savait très bien lire l’heure au soleil. Cependant, les heures, justement, elles lui semblaient accélérer leur cours, tandis que le soleil lui indiquait qu’elles n’avaient pas varié. Sans certitude, il ne pouvait se repérer, commençait à avoir peur.

Il avait bien du mal à se concentrer. Son ignorance le gênait beaucoup, les rayons du soleil torride l’abrutissaient ; et cette foule pressée qui le heurtait tout le temps…

Au grand dam de Francette, il finit par s’arrêter sur le bord de la route. Il prit le temps de regarder où disparaissait la foule des voyageurs. La panique l’envahit tout entier.

-~-~-

Ce qu’il vit le fit trembler d’horreur : il voyait au loin flamboyer un brasier gigantesque ; il voyait une tempête de feu envoyer ses flèches ardentes partout sur la campagne environnante ; il voyait les incendies s’épanouir en terribles fleurs de sang ; et il voyait la foule courir, aveuglément, vers les flammes dévorantes !...

Il était seul. Francette ne voyait rien, ne comprenait pas pourquoi il reculait instinctivement.

François ne parvenait plus à réfléchir : sa solitude l’enserrait dans un carcan redoutable. Son esprit ne lui obéissait plus, ralentissait jusqu’à l’engourdissement. Et les horreurs qu’il était le seul à voir, étaient-ce des hallucinations ? Ou les visions d’un destin proche ? Comment savoir ? Et il avait si mal à la tête, à en pleurer de souffrance ! Mais il comprenait très bien qu’il ne pouvait pas se laisser aller, que pleurer l’affaiblirait à coup sûr. Non, il lui fallait affronter l’épouvante, résister aux séductions maléfiques, combattre pour préserver sa liberté et celle des autres voyageurs. Il se rebella, se révolta, s’opposa au mal environnant.

-~-~-

Tout d’un coup, un grand diable d’homme à la peau basanée, aux cheveux noirs, lui apparut, lui murmurant :

-« Alors, que vas-tu faire, pauvre petit homme ? Ils sont tous à moi ! Ne t’égosilles pas ! Ils ne t’enten­dront pas, je les ai rendus fous ! Mais toi, tu as osé me défier ! Je t’accorde donc le désespoir que j’envoie à tous ceux qui me tiennent tête ! »

Et il ricanait, ricanait… Courageusement, François soutint son regard et subitement, le reconnut : c’était le grand diable noir peint sur le mur de l’église, qui lui faisait si peur quand il était petit. Il se mit à hurler :

-« Non ! Non ! Vous ne les aurez pas tous. Retournez en enfer ! »

-« Mon pauvre petit ! Tu sais bien que l’enfer, ce sont les hommes. Tous les hommes. Toute l’humanité ! »

Il disparut en riant aux éclats. Disparurent avec lui toutes les visions infernales.

-~-~-~-~-

Quand François rouvrit les yeux, il était seul, allongé sur l’herbe roussie du bord du chemin. Il faisait froid, très froid, et de légers flocons de neige dansaient devant ses yeux. Il entendit soudain Francette pleurer et l’appeler doucement. Il la regardait pendant qu’elle lui bassinait le front, lui tenant les mains. Il ne se souvenait de rien d’autre que sa terreur. Il lui soupira :

-« Francette, aide-moi. Il faut aller à la foire, y vendre tes dentelles… Moi, il faut que j’y trouve du travail…

-« François, François, que me dis-tu donc là ? Tu dois encore délirer. Écoute-moi : la vérité, c’est que tu es enseignant, que tu rédiges une thèse difficile sur l’évolution des sentiments chez les Vikings du VIe siècle. La vérité, c’est que tu butes sur le quatrième chapitre, celui qui parle de la violence entre les hommes et les femmes, et que tu ne t’en sors pas. Moi, je t’ai conseillé de le réécrire, et ça t’a mis dans une colère noire. Tu étais si hors de toi, si exaspéré, que je t’ai emmené te promener, te relaxer, t’aérer un peu… »

« Brutalement, tu as commencé à te comporter de façon étrange, comme si tu étais devenu quelqu’un d’autre. Tu marchais infatigablement le long de ce chemin et tu parlais, tu parlais. C’était incompréhensible ; tu discutais avec des gens invisibles ; tu t’inquiétais longuement d’un curé, mais aussi de moi, tu parlais aussi à une foule de gens. Et tu voulais aller à une foire. Attends ! Le nom va me revenir. La foire… de Poussay… Non, pas du tout. La foire de…, de… Colombey-les-Belles, c’est ça ! Et tu mettais des belles partout aussi… Il y avait encore un homme noir : je n’imaginais pas qu’un homme de ton âge aurait encore peur du peut-homme ! »

« Ensuite, tu as encore piqué une colère épouvantable ! »

« Tu hurlais, tu hurlais et je n’arrivais pas à te comprendre. Et puis, tu semblais tant souffrir de la chaleur - tu brûlais de fièvre - que j’ai essayé de te rafraîchir. Ça t’a enfin fait revenir à toi, et à moi aussi. »

-« Ma pauvre Francette, je ne me souviens de rien ! Il me reste la sensation d’une chaleur insupportable… Mais j’y songe, tu étais là, toi aussi, mais ce n’était pas toi en même temps…c’est difficile à exprimer…tu étais une autre ; tu étais devenue âpre au gain, avare même, égoïste aussi. Bref, ce n’était pas du tout toi, ce n’était qu’une apparence, une illusion. »

-« Je te remercie pour ce portrait ! Merci bien ! C’est vraiment agréable ! Bon, passons ! Si tu ne te souviens de rien d’autre, allons-nous en avant de contracter une belle pneumonie !

« Viens, n’aies pas peur, appuies-toi sur moi ! Je vais me consacrer toute entière à toi, je vais essayer de te changer les idées… Tu veux bien ? Mais j’aimerais tout de même savoir ce qui t’as bouleversé à ce point, toi qui a l’esprit si réaliste, si logique. Alors, mon chéri, s’il te plaît, la prochaine fois que tu feras un cauchemar, écris-le vite ! J’aime beaucoup les histoires fantastiques, celles qui font un peu peur… D’accord ?

 

Achevé à Vandoeuvre-lès-Nancy

Le xx /12/2015

Revu et corrigé le 21/03/2016

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S
GRAND MAITRE DU RETOUR AFFECTIF<br /> <br /> Bonjour Mme, Mr<br /> Moi je me nomme Grand voyant marabout said ce qui signifie la solution a vos problème dans 7 jour, Je suis grand maître said du retour affectif , héréditaire de mon père très puissant donc pas de soucis à ce faire, voici un peux ce que je fais comme travaille de rituels:<br /> <br /> <br /> Retour Affectif Rapide dans 7 jours<br /> Rituel pour devenir attirant(e)<br /> Rituel pour reprendre avec son ex<br /> Rituel pour en finir avec l'infidélité<br /> Rituel pour stopper la jalousie<br /> Rituel pour éloigner les rivales (ou rivaux)<br /> Rituel contre la jalousie matérielle<br /> Rituel pour stopper la malchance<br /> Rituel pour attirer l'argent<br /> Rituel pour réussir son avenir amoureux<br /> <br /> Si vous, voulez vous faire aimer ou si votre ami vous a quitté je peux le ou la faire revenir dans 7 jours. Il, elle va courir derrière vous comme un chien derrière son maître. Amour durable. chance aux jeux, dés envoûtement, fidélité,<br /> Impuissance sexuelle, maladie inconnue, même cas désespérés. , travail<br /> Efficace et rapide.<br /> <br /> 100% de réussite garanti. Ne restez pas dans l'angoisse, il n'y a pas de<br /> Problème sans solution. je suis le seule a par dieu a trouver une solution à tous vos problèmes car si je commence ce travaille je pense bien que votre marie vous reviendra et vous serez unis pour le reste de votre vie si vous le désirez bien<br /> Mme ne vous faite plus de soucis car vous venez de trouvez la solution a ce problème alors n’hésiter pas a me contacter <br /> Pour ses rituels je dispose plusieurs sortes de vaudou et plusieurs maniérés de procéder<br /> <br /> Si vous utilisez une de mes Rituel vous trouverez la satisfaction dans 7 jours au plus.<br /> <br /> PS/ les résultats sont garantie à 100% avec une durée de 7 jours ni plus ni moin . <br /> <br /> NB/ Quelques soit la durée dont votre amour ou l'homme de votre vie vous a quitté il reviendra à coup sûr dans 7 jours ou votre femme . Quelques soit la personne concerné dans moin de 7 jours il ou elle s'inclinera sous votre charme et vous aurez le parfait contrôle sur lui .<br /> <br /> Donc pour le moment je ne veux rien prends d'abord pour le travaille, car c'est après la satisfactions que vous aurez a me donnez ce que votre cœur désire comme récompense.<br /> <br /> Voici mes coordonnées.<br /> <br /> mail: marabout.said@hotmail.fr<br /> <br /> MERCI
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