Prière pour un rhinocéros blanc
Prière pour un rhinocéros blanc
Je ne te connais pas, je ne sais même pas ton nom, mais on t’a assassiné pour te voler ta corne, et mon cœur est triste à mourir.
Les hommes t’avaient déjà dépouillé de tout ce que tu aimais, ta savane herbue, ton ruisseau murmurant, ton ciel infini, ta famille, tes amis, tes copains. Et ils t’ont pris ta vie, ultime crime contre la Nature.
Pourquoi ? Pour l’argent qu’ils peuvent en tirer ! Crois-moi, si tu le peux, mais ta corne représente, pour des peuplades ignorantes, un médicament extraordinaire et, pour des braconniers inhumains, une manne d’argent facile à gagner. Quelle stupidité ! Quelle sottise ! Ta corne est faite de la même matière que leurs cheveux : ils auraient plus vite fait de se tondre ! C’est vraiment cruellement ironique, et j’en rirais, si toi et tes congénères n’en mouraient pas par centaines !
Mon pauvre ami, c’est la fièvre de l’argent qui t’a tué, comme elle anéantit les forêts et leur faune, les savanes et leurs lions, les plaines et les bois, les mers avec tous leurs poissons et même les déserts qu’on transperce de millions de puits de forage. Et l’eau, ce trésor inestimable, le bien de tous, doit être purifiée à grands frais, sinon, elle tue, cette innocente!
Quand l’homme, cette infernale engeance qui prolifère par milliards, aura tout saccagé, tout ruiné, tout désertifié, il disparaîtra, et son argent diabolique avec lui.
Le veau d’or est toujours débout, plus grand que jamais, plus puissant que tout. C’est pour l’argent qu’on vend le corps des femmes, que les hommes politiques piétinent leur honneur, qu’on fabrique et qu’on vend des bébés, que d’autres enfants sont esclaves ! C’est pour l’argent ! Mais s’ils persévèrent dans cette voie, les hommes finiront par s’éteindre sous les coups de virus inconnus, de bactéries épouvantables, de microbes invincibles ! Ne resteront que les insectes, ces éternels survivants !
Alors la Terre, notre planète bleue, comme toi assassinée par l’avidité féroce des hommes, tournera tristement dans le vide intersidéral…Jusqu’à ce que la vie, qui ne mourra jamais, renaisse et grandisse, mais sans les hommes, par pitié !
Mais toi, mon pauvre petit, tu es mort, et je te pleure. Je voudrais protéger les tiens, ceux qui restent, puisque je n’ai pas su te protéger de le rapacité de ces monstres assassins.
Alors je voudrais qu’on teigne, en rose éclatant, toutes les cornes de tes amis et aussi les défenses des éléphants, l’aileron des requins, les os des tigres, les œufs des tortues marines, la chair des dauphins, le musc des chevrotins,… avec toutes les fourrures aussi. Ensuite, je demanderais aux généticiens-bricoleurs d’introduire le gène rose vif dans toutes vos lignées. Vous seriez tous protégés !
Mais tu es mort, et c’est bête à pleurer de rage, et c’est ignoble. Alors je prie pour que tu te reposes dans la grande savane éternelle, pour que tu y retrouves tout ce qui fait ta joie, pour que tu sois heureux, pour que tu demeures en paix.
Ton amie
Achevé à Vandœuvre-lès-Nancy
Le 9/03/2017
Photo : https://www.thoiry.net/fr