Noël ! C’est Noël ! Venez, tous !

Publié le par Dolorosa

Noël ! C’est Noël ! Venez, tous !

Noël ! C’est Noël ! Venez, tous !

 

 

 

 

Janvier 3019

 

- « Ma petite Mamy, j’ai bien reçu ton packmail sans bug et en entier. C’est hyper ! J’ai beaucoup aimé. Comment as-tu fait pour trouver les codes et le spirit du vieux peuple ? »

« Bon, je stoppe. Mon timer m’avertit qu’il est out. »

« Mille baisers.

Cécile

 

 

 

 

 

Noël ! C’est Noël ! Venez, tous !

 

 

Décembre 3018

 

C’est une histoire vraie, mais très étrange, que je vais vous raconter, un conte de Noël, en fait. Elle s’est déroulée il y a très longtemps, en décembre 2018, dans un petit pays, aujourd’hui disparu, qu’on appelait la France.

 

Dès le matin, un petit garçon jouait avec sa console : fasciné par l’écran, il jouait sans cesse, tellement accro qu’il allait jusqu’à oublier l’école et même le petit déjeuner. Ses parents l’entendirent soudain hurler de rage :

-« Papa, ma console est nase ! Va falloir m’en acheter vite une autre ! »

Le père arriva et vit l’écran tout blanc et, sur ce fond immaculé, de grandes lettres dorées :

« Voilà le jour du recensement »

- « Qu’est-ce que c’est, papa ? »

Le père lut laborieusement le message pendant qu’une musique harmonieuse et douce se répandait dans la chambre.

- « T’entends la musique ? Elle est nulle ! », cria le gamin furieux, tandis que son père lui répondait :

- « Je ne sais pas. J’ai jamais vu ça ! C’est peut-être de la pub pour…je sais pas quoi ! Ou un message politique…un slogan ? Qu’est-ce que c’est, d’abord, un recensement ? »

La mère arriva, impatientée :

- « Dites, le p’tit dej’ va refroidir. Et toi, tu dois aller à l’école. »

Elle jeta un œil sur la console :

- « J’ai déjà vu ça quand j’étais gosse. C’est pas dangereux : ce sont des illuminés, ou une secte, pas des terroristes ! »

Dix minutes plus tard, le message avait disparu, et la maison retrouvé son calme.

Un peu plus tard, une postière, la quarantaine fatiguée, le visage creusé par des années de guichet, achevait de se préparer en écoutant les informations à la radio. Soudain, elle n’entendit plus rien.

- « Encore une coupure d’antenne » soupira-t-elle. Mais le silence ne dura pas. S’éleva une musique douce, si chaleureuse qu’elle en resta toute chose. Lui succéda une voix grave, très amicale, qui annonça :

« Voilà le jour du recensement »

- « Un recensement ? Encore une fake news ! C’est pas pensable ! J’ai failli croire que c’était…qu’on allait m’annoncer une bonne nouvelle ! Faut-il être bête ! »

Elle éteignit le petit poste, sans ménagement, prit son sac et son parapluie et s’en alla en claquant un peu la porte.

Dans son bureau très fonctionnel, le banquier consultait la bourse en ligne, son imprimante transcrivait les taux de cotation des monnaies étrangères. Même si ses employés le faisaient très bien, s’ils les affichaient sur le panneau adéquat, le directeur aimait le faire : il se rappelait ainsi sa jeunesse, quand il était simple employé.

Sans préavis, son écran devint tout blanc et, sur cette blancheur éclatante, s’afficha un message en grandes lettres dorées :

« Voilà le jour du recensement »

Stupéfait et furieux, le directeur pensa à un bug, à une mauvaise plaisanterie et appela la maintenance. Mais la maintenance était au bord de l’implosion : tous les ordinateurs de la banque avaient reçu ce message, et même les appareils de la maintenance !

Alors le banquier eut peur des hackers, des pirates informatiques et appela la police. Une voix posée lui assura qu’il n’était pas le seul dans ce cas, qu’à priori il ne s’agissait pas de réseaux criminels et que l’enquête commençait. S’il désirait une protection totale, il lui suffirait, le soir venu, d’éteindre l’appareil et de le débrancher. Mais oui, retirer la fiche de la prise électrique ! Ce qui est totalement impossible !

Et le directeur, pas très rassuré, songea aux tournées de vérification, chaque soir.

Et quand il rentra à la maison, ce fut pour trouver sa femme en ébullition : le message s’était affiché sur l’écran de son réveil électronique.

Ce satané message ! Impossible de l’ignorer ! Il apparaissait sur tous les écrans, il y demeurait dix minutes puis disparaissait. Qui l’émettait ? Personne ne le savait, pas même la police. Mais il se manifestait à la télévision sur toutes les chaînes, au cinéma au beau milieu des films, sur les montres connectées, sur les portables, et même sur les appareils médicaux dotés d’un écran ! Il gênait tout le monde !

Tout le monde le voyait, pouvait le lire, mais le comprendre…

Les journaux locaux s’emparèrent de l’affaire, d’abord dans un petit entrefilet. Mais à mesure qu’ils prenaient conscience de l’ampleur et de la diffusion du phénomène, ils publièrent les messages à la une, car le message changeait chaque jour.

Un journaliste nota chaque message dans son ordre de parution.

D’abord

« Voilà le jour du recensement »,

qui ne fut pas élucidé ; puis

« Marie et Joseph se mettent en chemin »,

que les migrants accaparèrent, ensuite

« Ils marchaient, avec leur âne ils marchaient »,

qui encouragea les défenseurs des animaux ; quant à

« Bethléem, Bethléem, nous sommes là »,

 il provoqua la colère du Hamas ; ensuite,

« Marie attendait un enfant »

avec

« La naissance de l’Enfant était proche »,

ils chavirèrent tous les cœurs sensibles, et enfin

« Marie était fatiguée, Joseph inquiet »,

suscita un déluge de pro­positions d’aide.

Quand le message annonça

« Pour eux, pas de place à l’hôtel »,

l’indignation fut telle que le syndicat des hôteliers dût faire un geste pour les sans-abris.

« Voilà l’étable, voilà la crèche »

nécessita beaucoup d’explications.

« Le bœuf y dormait sur la paille avec l’âne »,

entraîna une interpellation du ministre du logement. Mais

« C’est là, l’étoile dorée s’est arrêtée là »,

déclencha un événement inimagina­ble.

Car les gens aimaient les messages. Ils les sortaient de leur torpeur, de l’indifférence générale. Marie, Joseph et l’enfant à naître étaient devenus des parents éloignés dont ils parlaient entre eux et qui les réunissaient. Quand ils lurent

« C’est là, l’étoile dorée s’est arrêtée là »,

ils comprirent que s’ils trouvaient l’étoile, ils trouveraient Marie, Joseph et l’Enfant.

Ce n’est pas la réponse négative des astronomes qui les découragea ! Confusément, ils pensèrent que c’était avec les yeux de leur cœur qu’ils trouveraient l’étoile. Alors, tous ensemble, ils cherchèrent cette étoile inconnue. Au début, ils étaient un peu, mais devinrent lentement une foule.

Ils cherchaient assidûment, et quand ils croisèrent des bergers avec leurs troupeaux, ces derniers leur dirent :

- « Ce que vous cherchez, nous l’avons trouvé. Marchez avec nous, venez. »

Ils marchèrent au son des flûtes des bergers, des brefs abois des chiens, et des sonnailles des béliers.

Ils étaient fatigués car ils avaient perdu l’habitude de marcher. Les petits enfants dormaient debout, et les bergers les installèrent sur leurs ânes de bât, pendant que les anciens, les éclopés, les infirmes, faisaient ce qu’ils pouvaient, mais lentement : ce n’était ni une course, ni un rallye, et chacun les aidait de son mieux. L’étoile était là pour eux, surtout. Et ils suivaient la grande étoile dorée. Ils la voyaient dans le ciel clair du matin, sur le velours sombre de la nuit. Elle était toujours là, elle les guidait tous. Quand elle restait immobile, ils s’arrêtaient dans le campement qu’elle avait choisi ; ils savaient d’expérience qu’ils y trouveraient une eau bienfaisante et pure, quantité de fruits savoureux qui les rassasieraient tous, une herbe drue et moelleuse pour leur sommeil.

Ils marchaient. La pente était raide, le chemin malaisé, le passage encombré de cailloux pointus, mais ils marchaient. Nul ne se décourageait mais, jour après jour, heure après heure, leur nombre grandissait jusqu’à devenir un peuple tout entier en marche avec l’étoile. Ils venaient de partout, de toutes les nations, de toutes les origines, de toutes les sociétés, et ils se comprenaient tous et ils marchaient. Ils suivaient l’étoile.

Les enfants crièrent :

- « Regardez ! Le ciel devient doré ! »

Ils virent l’étoile s’arrêter, et ils s’avancèrent vers cette lumière sublime. Tous, ils avancèrent jusqu’à une petite prairie qui menait à une étable en ruines. Les bergers allaient devant avec leurs troupeaux, leurs agneaux et leurs chiens. Tous, ils arrivèrent, tous, tous ils s’approchèrent pour voir mieux, pour contempler l’Enfant. Et chacun avait une bonne place, une place choisie, devant la petite étable, pitoyable et magnifique.

Tous, tous ensemble ils se réchauffèrent à la flamme de l’amour. Tous, tous ensemble, ils célébrèrent l’Enfant.

Noël ! C’est Noël ! Venez, tous !

 - « Naïk, qu’as-tu vu au bout du chemin ? »

« J’ai vu une étable délabrée surmontée d’une étoile d’or rayonnante. J’ai vu la beauté, la tendresse, la grandeur de l’amour. »

- « Jacques, qu’as-tu vu au bout du chemin ? »

« J’ai vu des bergers qui chantaient. J’ai vu des troupeaux, des chiens prudents, des ânes patients, des foules de gens. »

- « Léna, qu’as-tu vu à la crèche ? »

« J’ai vu une femme vêtue de bleu et de blanc auprès de son enfant. J’ai vu un homme grand en habits de travail, son bâton de marche à la main. »

- « Évelyne, qu’as-tu vu à la crèche ? »

« J’ai vu un petit enfant nouveau-né dans une pauvre mangeoire. Couché sur la paille blonde, il rayonnait, et il m’a réchauffée. »

- « Jean, dis-moi, qu’as-tu vu à la crèche ? »

« J’ai vu le toit branlant et j’ai vu le bébé presque nu, réchauffé par un âne et un bœuf qui lui soufflaient dessus ! C’est pas propre !. Pourquoi tant de pauvreté, tant de dénuement ? »

- « Et toi, Martine, qu’as-tu vu ? »

« J’ai vu l’Enfant qui me souriait, entre le bœuf puisant et l’âne gris et je me suis demandée quoi faire pour lui ? Il m’a répondu : Aime-moi, si tu le veux ! »

- « Alors, Cécile, qu’as-tu vu à la crèche ? »

« J’ai vu l’étoile dorée, j’ai vu la belle lumière, j’ai vu les anges monter et descendre de la terre au ciel. C’était fantastique !»

- « Et toi, Léo, qu’as-tu vu ? »

« J’ai pas vu, j’ai entendu une musique magnifique, j’ai entendu des harpes et des trompettes, j’ai entendu les bergers chanter et les agneaux bêler. »

- « Et vous, qu’avez-vous vu à la crèche ? »

« Nous avons tout vu, tout entendu. »

« Moi, j’ai vu un grand bœuf roux qui ruminait et un petit âne gris qui veillait sur l’Enfant. »

« Moi, j’ai vu une étable misérable qui contenait tout l’amour du monde. »

« Moi, je ne sais pas ce que j’ai vu, mais c’était si beau, que j’avais envie de pleurer de joie. »

- « Merci Mathias. »

«  Moi, je n’ai rien vu, mes yeux m’ont abandonnée, mais j’ai senti une douceur inhabituelle, légère, tendre, un air de Noël ! »

« Attends, attends, moi aussi j’ai vu : une dame, un monsieur et un bébé couché par terre, et l’étoile dorée qui faisait le soleil.

- « Merci Max. »

 

 

 

 

 

 

Achevé le 21/11/2018

                          à                 

Vandœuvre-lès-Nancy

 

Nicole LE ROUX

 

 

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