CHAPERON ROUGE, ROUGE CHAPERON

Publié le par Dolorosa

CHAPERON ROUGE, ROUGE CHAPERON

 

Encore un conte, direz-vous ? Oui ! C’est un conte pour les grands enfants, les adultes, quoi ! N’oubliez jamais, en le lisant, que ce n’est pas moi qui tiens la plume, c’est le diable, Satan, Belzebuth, Lucifer, Méphistophélès, ou le Maudit, selon le nom que vous préférez… Bon Courage !

 

 

 

 

 

-« Mon Petit Chaperon Rouge, rejoins-moi dans la cuisine : j’ai un service à te demander. »

-« Oui, maman, j’arrive tout de suite. 

« Me voilà, j’ai fini de saler les petits fromages de chèvre ; ils seront prêts pour le prochain marché… Ah ! Maman, je te le redemande encore une fois : ne m’appelle plus Petit Chaperon Rouge. J’ai grandi, tu sais : je ne suis plus une petite fille et je ne porte plus de chaperon rouge. Regarde, j’ai la même taille que toi : je suis une femme maintenant, ce surnom est plutôt ridicule à mon âge. »

-« Je sais, ma chérie, ne m’en veux pas. Bien sûr que je t’ai vu grandir, évoluer, et te voilà devenue une belle jeune fille, presque bonne à marier. Je t’aime profondément, depuis toujours. Mais tu sais que j’ai failli te perdre, ce sont des choses qui ne s’oublient jamais. Alors, pour moi, tu seras toujours mon Petit Chaperon Rouge préféré. »

-« Ma petite maman, tu es incorrigible, mais je t’adore ! »

-« Je t’ai demandé de venir parce que ta Mamie est encore malade et qu’elle doit garder le lit. J’ai préparé ce panier pour que tu ailles le lui porter cette après-midi. J’y ai mis les bons produits de notre ferme plus quelques-uns de tes délicieux fromages et une belle galette, une de celles que tu as cuites ce matin. Ta Mamie va l’adorer, elle est craquante et fondante à la fois, juste comme elle l’aime. Et elle pourra constater que tues devenue une fine cuisinière !

« À ce propos, quand tu iras la voir, ne prends pas le raccourci par le bois. L’autre chemin est plus long, mais beaucoup plus sûr. La forêt me fait peur, tu sais bien pourquoi : c’est là que le loup t’a attaquée. Et puis, il y a la pauvre Guillemette, elle a disparu dans les parages. Et quand ils ont retrouvé le corps de la petite Louison, toute défigurée, j’ai pensé que le bois avait quelque chose de maudit : un tueur en série, une bande d’assassins, je ne sais pas. Mais je t’en supplie, ne passe pas par la forêt ! »

-« Maman, ne t’angoisse pas. Tu sais bien que je suis prudente, que je ne recherche pas l’aventure. Veux-tu que je demande à Bastien de m’accompagner ? »

-« Non, il a trop de travail en ce moment avec la fenaison. Peut-être que je deviens peureuse avec l’âge. Mais je t’en prie, fais bien attention. »

-« Ne te fais donc pas tant de soucis, tout ira bien. »

À l’heure dite, la jeune fille embrassa son père et sa mère et quitta la ferme. On était début juin, le ciel était clair, sans nuage, et le soleil brillait gaiement. L’air embaumait le foin coupé.

La jeune fille marchait d’un pas décidé. Le panier, pourtant bien rempli, ne pesait pas à son bras mince. Cependant, une étrange lassitude s’empara d’elle insidieusement. Quand elle arriva à la croisée des chemins, la fatigue ralentissait son pas.

Le chemin qu’elle avait promis de prendre était caillouteux et malaisé, encombré de fondrières et de trous où se tordre les chevilles. L’autre, le raccourci, avait l’air plus attirant, sablonneux, doux aux pieds et ombragé, ce qui était appréciable car le soleil déversait sa chaleur à long rayons éblouissants.

La jeune fille hésita, se disant qu’elle pourrait prendre le raccourci, qu’elle hâterait le pas en entrant dans le bois. Sa conscience lui adressant de très vives remontrances, elle choisit le raccourci.

C’était beaucoup plus agréable. Tamisé par les feuillages, le soleil se faisait amical et le sable rendait la marche plus aisée. La jeune fille chemina ainsi, alanguie et rêveuse, et pénétra dans la forêt sans s’en rendre compte.

Soudain, elle entendit un pas s’approcher. Étonnée, elle ralentit son allure : un jeune homme avançait tranquillement, jusqu’à la croiser. Il était grand, élancé, de stature imposante. Ses cheveux blonds attiraient les rayons du soleil. Il aurait été vraiment très beau si ses yeux noirs n’avaient été si perçants, si inquisiteurs. Son regard scrutateur la mettait mal à l’aise.

Arrivé à sa hauteur, le jeune homme la salua courtoisement.

-« Bonjour, petite fille. Je me présente. Jean-Lou des Halliers, seigneur de ce lieu. Que faites-vous donc toute seule dans ces bois, loin de votre village ? »

-« Je ne suis qu’une campagnarde, et mon nom n’a pas d’importance. Je vais chez ma Mamie : elle est malade et a besoin de moi. Je ne suis plus une petite fille, et c’est mon devoir de la soigner. »

-« Mille pardons, gente demoiselle, je ne voulais pas vous froisser. Mais vous me faites souvenir d’une charmante petite fille ; je l’ai rencontrée il y a longtemps, et je ne croyais jamais la revoir. »

-« Messire, je vous remercie, mais je dois continuer mon chemin. Je vous souhaite une bonne journée »

Le jeune homme sourit d’un air carnassier.

-« Jolie demoiselle, la journée sera bonne, j’en suis sûr à présent. Mais, s’il vous plaît, demeurez un peu. Je ne suis pas venu ici depuis plusieurs années, et j’aimerais savoir comment vivent les gens de ce pays. Je suis leur suzerain, et c’est mon devoir. »

-« Messire, nous vivons tous paisiblement, nous travaillons cette belle terre noire si fertile. Nous produisons le blé pour notre pain et des céréales pour notre bétail. Nous élevons des vaches, des porcs qui pâturent dans les champs, là où il y a une mare, des chèvres et des moutons qui débroussaillent et entretiennent le paysage, quelques ânes et de rares chevaux pour nous aider dans les gros travaux. Nous élevons aussi des poules et des lapins, des canards et quelques oies pour la Noël. Chaque ferme possède aussi un jardin potager et un verger. »

« Vous voyez, nous avons tout ce qu’il nous faut, et n’en demandons pas plus. »

-« Vous vous satisfaites de peu, vraiment. Y-a-t-il au moins une école dans votre village ? »

-« Bien sûr, et notre maître est excellent. J’ai adoré aller à l’école. Apprendre toutes ces choses que j’ignorais, découvrir des mondes différents, des idées nouvelles : ce fut pour moi un grand plaisir, un vrai bonheur ! »

-« Qu’avez-vous donc appris ? »

-« Je sais lire couramment, j’écris sans faire trop de fautes. Je sais calculer correctement : les quatre opérations ne me font pas peur ! »

-« Je vois… Tu as l’intelligence vive et l’esprit délié. Et puis tu t’exprimes bien, tu viens de me le démontrer. Ce sont de vrais atouts dans la conquête du savoir, dans la quête de la connaissance. Tu t’en rendras vite compte : savoir, c’est pouvoir. »

« Tu m’as l’air curieuse, d’esprit ouvert. Toi qui vis au plus près de la nature, ne t’es-tu jamais interrogée sur la vie qui t’entoure ? »

-« Non, messire, c’est bien trop compliqué pour moi ! »

-« Allons donc ! Il n’y a pas de limites au pouvoir de l’esprit humain ! Tout ce qu’on t’a raconté à l’école, à l’église, remets-le en question. Tu verras jusqu’où tu pourras t’élever ! »

On t’a dit que toute la création est le domaine réservé d’un vieillard ronchon, un vrai père-fouettard, qui dispose à sa volonté d’un pouvoir absolu : créer et détruire. C’est faux, mais si réconfortant ! »

« La vérité, c’est que ce vieux tyran veut être le seul à posséder la connaissance du bien et du mal, éliminant impitoyablement ceux qui veulent partager ses secrets. J’en sais quelque chose. Et pour mieux protéger sa science, il menace l’humanité des pires châtiments, lui racontant des histoires d’Adam et Ève chassées du Paradis, de péchés mortels et autres fariboles qui ne font plus peur qu’aux petits enfants. »

« Moi, je te le dis, la vie n’est qu’une combinaison d’éléments divers et variés : comme dans une recette de cuisine, il faut bien choisir tous les ingrédients, les doser minutieusement, les mélanger et les pétrir soigneusement. Tout le secret de la vie, c’est l’étincelle qui va animer cette pâte ? Tu vois bien que je sais tout. Ensuite, tu peux fabriquer ce que tu veux : un arbre, un animal ou un être humain, un monstre fabuleux, même, si ça te plaît. Voilà tout le mystère de la création. »

-« Messire, êtes-vous bien sérieux, ou vous moquez-vous ? »

-« Je suis sérieux comme la mort, ma petite âme. Grâce à ma bonne recette, tu es la maîtresse de la vie, tu domines la nature, tu accèdes à la liberté suprême ! Tu peux créer tous les êtres vivants que tu veux et les mettre à ton service selon ta fantaisie ou leur utilité. Tu peux les manipuler, les bricoler à ton gré pour ton plus grand bénéfice. Bien entendu, tu peux t’amuser à créer les virus les plus dangereux, les bactéries mortelles, les microbes bien contagieux. Cela te permettra de liquider qui te gène ou veux te nuire. C’est très utile, souvent, une bonne épidémie ! »

« Désires-tu ce pouvoir ? Veux-tu ma recette ? Dis-moi, toi qui ne possèdes rien, veux-tu tout recevoir ? »

-« Non, messire, non ! Vous me donnez le vertige. Cet ordre nouveau me terrifie. Si je vous comprends bien, c’est la fin de toute société, et j’aime trop la mienne pour la condamner à disparaître. Et qu’allez-vous me demander en compensation ? Je veux m’en aller, retrouver ma Mamie. Laissez-moi passer s’il vous plaît. »

-« Tu n’as rien compris.  Je n’en ai pas fini avec toi ! Il me faut ta petite âme blanche… Je te propose un autre pouvoir, presque aussi puissant. Je t’offre la richesse, tout l’argent que tu veux, sans limite. Tu verras, ce n’est pas mal non plus bien que moins noble. »

-« Non, messire, je dois m’en aller… »

-« Soigner ton ancêtre, je sais, tu n’es pas drôle ! »

-« Votre argent, c’est la magie qui va me le donner ? »

-« Non, petite peste. C’est toi qui va l’amasser. Je suis bon diable, mais n’exagère pas ! »

« Tu es une bergère, n’est-ce pas ? Alors tu vas garder tes bêtes. À l’étable, bien serrées, l’une contre l’autre. Plus question de les emmener promener. Tu les engraisseras à la chaîne, sans bouger et, en attendant qu’elles grossissent, tu profiteras de leur lait et de leur toison. »

-« Mais c’est trop cruel ! »

-« Ce ne sont que des bêtes, petite sotte ! Des unités de production ! Ensuite, à chaque saison, chaque brebis, chaque chevrette, chaque vache devra avoir une portée. Tu multiplieras les naissances et ton troupeau doublera, triplera vite. Enfin, tu emmèneras à l’abattoir ou au marché toutes les bêtes âgées, fatiguées, qui ne peuvent plus suivre la cadence, avec les jeunes trop faibles pour s’adapter. Tu les vendras un bon prix, et si tu peux peser sur la balance, n’hésites pas ! L’argent emplira ton coffre, tu verras ! »

-« Ce n’est pas possible ! Mes bêtes seront trop malheureuses ! »

-« Qui se soucie du bien-être animal ? à ce rythme, tu auras vite besoin d’in second coffre ! Il va te falloir plus de terres ? Qu’à cela ne tienne ! Tu rachèteras celles de tes voisins, à ton prix, bien sûr. Tu as besoin de bras ? Tu engages les voisins que tu as ruinés et tu leur enseignes les vertus de la rentabilité ! Ils te détesteront, mais ils travailleront : ils dépendent de toi pour vivre ! »

« De rachat en rachat tu domineras toute la contrée, et tes innombrables troupeaux y feront régner une grave pollution : nitrates, déjections animales, assèchement des terres… Que t’importe ? C’est le moment de jouir de ton travail. Tu as tant d’argent que tu peux te construire un château ! Tu y logeras te Mamie ; tu n’auras plus besoin de courir les bois pour elle. Tu meubleras ton château d’une foule de domestiques, et tu pourras te reposer, la conscience tranquille ! »

-« Non ! Je n’aurai pas la conscience tranquille ! Toute cette fortune est bâtie sur la souffrance animale. J’aime mes bêtes ; elles me connaissent et m’aiment bien aussi. Pour tout l’or du monde, je ne peux pas les torturer si horriblement. »

« Et mes voisins, mes chers voisins, mes amis de toujours ! Leur faire autant de mal est au-dessus de mes forces ! Nous savons si bien nous entraider que la vie est plus douce et plus plaisante. Pourquoi leur faire vivre un tel enfer ? Où avez-vous trouvé ces horreurs ? »

-« Pas loin, ma petite, pas bien loin. »

-« Messire, le ciel se couvre : les nuages sont très noirs déjà, il va y avoir un orage. Je voudrais partir m’abriter ; laissez-moi aller. »

-« Puisque tu ne veux pas te lancer dans l’élevage industriel, j’ai autre chose à t’offrir qui te plaira certainement, et  tu me donneras enfin ta belle âme blanche. »

-« Non, je ne vous écoute plus. Je ne veux plus rien entendre, et…

-« Ne fais pas ta mijaurée. Il ne fallait pas accepter de me parler. Tu dois m’écouter jusqu’au bout, maintenant !

« D’autant plus, que ce que je te destine est la plus agréable de mes tentations, c’est le sexe, ma mignonne. Le sexe : tu sais ce que c’est, au moins ? Tu as-dû en entendre parler ? »

-« N… on, je ne crois pas. »

-« Tout ce que j’aime ! Une pucelle innocente ! C’est plutôt rare par les temps qui courent. Ta vieille maman ne t’a donc pas parlé des choses de la vie ? Elle a bien dû te prévenir : il faut garder les cuisses bien serrées, jusqu’au mariage, évidemment. Ensuite, tu fermes les yeux, et tu attends que ton mari ait fini se petite affaire. »

« Et Bastien ? Il doit bien connaitre autre chose que la fenaison ? Sinon, il faudra que je le confie à ma meilleure assistante, Guillemette, par exemple. Eh oui ! Elle a accepté ce que je te proposes aujourd’hui et , tu peux m’en croire, elle est très douée, cette belle garce : c’est la putain magnifique »

-« Ne touchez pas à Bastien ! Laissez-le tranquille, par pitié ! »

-« Pitié ? Tu me parles de pitié ? À moi ? Quelle incongruité ! La pitié, connait pas. L’amour non plus d’ailleurs. Mais la bête à deux dos, le coït sans débander, la baise, le cul, le rut, oui ! Limer sans  frein ni retenue, sans morale, sans tabou ni interdit, et sans honte : l’obscénité est un piment précieux pour s’envoyer en l’air. Grâce à moi, tu peux faire l’amour à qui te plait, homme femme, petit garçon, petite fille, et aussi les animaux, si tu y trouves ton plaisir ! Le sexe, le sexe jusqu’à la frénésie, jusqu’à la douleur même, l’orgasme à volonté, à tout prix : j’adore ce spasme délicieux. Voilà ce qui compte , la seule vérité , et tant pis pour celui que tu prends, et tant pis pour celui qui t’aime d’amour tendre mais ne t’excite pas. Le plaisir suprême, c’est déflorer un innocent, voler une virginité. Tu comprends cela, au moins ? Ai-je été assez clair ? Ta mère ne t’a pas tout raconté : peut-être pour te maintenir en enfance, ou parce que la vertu remonte quand les seins tombent ? »

« Séduire, cela ne te tente pas ? Même pas un  peu ? »

-« Taisez-vous ! Je me sens salie par vos paroles ! »

-« Eh bien ! Tu n’as pas fini de rougir ! Écoute-moi bien : tu as tout ce qu’il faut là où il le faut pour donner le tricotin à tous les mâles qui passent. Montre juste la naissance de tes seins, et les vieux boucs se rendront compte qu’il y a encore quelque chose de vivant dans leur caleçon. Laisse-toi pincer un peu la taille, et les adolescents boutonneux sentiront leurs hormones bouillonner à grand feu. Laisse dépasser la dentelle de ton jupon sur ton genou rond, et les bons pères de famille te caresseront de regards lubriques, de plaisanteries salaces. Fais danser un peu ta fine cheville, et les sages deviendront insensés, les fous, encore plus ravagés. Laisse leurs mains frôler tes jolies fesses rondes, fermes comme les pommes du jardin d’Éden, et les philosophes oublieront toute leur philosophie, les gouvernants ramperont à tes pieds menus comme des chiens couchant… Et si tu mets tes jambes fuselées en chapelle, laissant entrevoir ta délicate foufoune, ils courront tous, la bite en l’air, à leur damnation éternelle ! »

« Séduire, ma belle chérie, c’est promettre beaucoup et ne donner qu’un peu. C’est une belle maxime, c’est ma règle de vie, et ce sera la tienne. Mais, crois-moi, on ne joue pas à ce jeu-là sans se brûler parfois. Quand tu sentiras ton ventre te démanger, ta petite chatte devenir moite et transpirer, prends un homme, n’importe lequel, pourvu qu’il soit bien monté, bien membré, si tu comprends mieux, et jouis-en autant que tu voudras. Ne t’occupe pas de lui : de toute façon, il se croira heureux parce qu’il te baise à couilles rabattues. Et si l’incendie de ton petit con incandescent le consume, ce n’est pas une affaire. Il y a les autres, tous les autres qui ne demandent que cela ! Mourir d’amour qu’ils disent. Quelle foutaise ! »

« Bien sûr, il y a des dommages collatéraux ! Ceux qui iront se pendre pour n’avoir pu te posséder. Ceux qui tueront pour rien, pour tes beaux yeux, pour un baiser de ta bouche, belle fleur vénéneuse, par jalousie, aussi. Ceux qui se ruineront pour un de tes regards, et que tu n’as pas vus. Ceux qui abandonneront père et mère, femme et enfants, pour suivre ton odor di femina, ton parfum de femme. Et les moines qui jetteront leur froc aux orties pour célébrer le culte de ton corps sans l’avoir jamais dévoilé. Ce sont des faibles, ils ne méritent même pas ton attention.

« Maintenant, ma jolie petite oie blanche, tu sais tout. Il ne me reste plus qu’à te déniaiser, délice rare et précieux. Je dois te prévenir : mon pénis est plus long et plus puissant que celui des hommes, je t’empalerai d’autant plus vigoureusement. Et puis, mon vit est rehaussé d’épines et de piquants qui le rendent inoubliable. Crois-moi, les femmes qui ont subi mon étreinte s’en souviennent encore et toujours. Il rend la chose plus… brûlante, plus torride. La jouissance dans la souffrance, tu aimeras, ma petite chatte, tu aimeras beaucoup ! »

« Allons, viens sans plus de façon. De toute manière, tu y passeras, tu adoreras, et tu en redemanderas ! »

-« Non ! Vous ne me toucherez pas ! »

-« Tu crois ? Allez, déshabille-toi et approche-toi ! »

-« Non ! Je ne veux pas de vous ! Partez tout de suite ! »

-« Tu me la bailles belle ! En voilà des grands airs ! »

-« N’avancez pas ! Vous ne me séduirez pas ! »

-« Tous ces cris pour une seule petite âme ! Tu m’agaces à la fin ! »

-« Vous ne m’aurez pas ! Je préfère mourir ! Regardez donc le ciel : il est si noir qu’on croirait la nuit tombée ! »

-« Laisse le ciel tranquille. Regarde plutôt mes yeux ! Plonges-y les tiens. Noie-toi dans leur abîme. »

-« Je ne vous entend plus. Allez-vous-en ! »

-« Regarde mes yeux, tu y trouveras la paix du désespoir, car tu es perdue, ma petite dévergondée. »

-« Non ! Vous mentez encore. »

-« Pauvre enfant, tu es perdue, ton âme est couverte de taches noires, tu es damnée pour l’éternité. Abandonne tout espoir et regarde mes yeux. »

-« Mon Dieu, écoutez-moi. »

-« Tu es perdue, tu n’as plus droit au pardon, tu es jugée et condamnée à jamais. Regarde mes yeux ! »

-« Mon Dieu, ne m’abandonnez pas ! »

-« Tu peux toujours prier le vieux, jamais il ne t’écoutera. Tu es condamnée sans recours. Regarde mes yeux ! »

-« Mon Dieu, sauvez-moi ! »

-« Si tu crois qu’il va se déranger pour toi… Ta faute est si écrasante que rien ne pourra l’alléger. Regarde mes yeux, te dis-je ! »

-« Mon Dieu, pitié ! »

Le diable se mit à rire. Et son rire infernal fit trembler la terre, s’écheveler les grands arbres, frissonner les cieux de suie.

Tombée à terre, à demi évanouie, la pauvre fille vit un petit éclair fulgurant transpercer le corps du démon ricanant. À sa stupéfaction, le diable se métamorphosa en un loup noir énorme, la gueule débordante de bave. La fixant de ses yeux enragés, le loup sauta sur elle. Un éclair rapide le stoppa en plein élan : un rat retomba sur le sol. C’était le rat noir, le pourvoyeur des pestes diaboliques, des épidémies infernales qui avait tant dévasté l’humanité. C’était le redoutable rat noir qui se précipitait sur sa victime. Un nouvel éclair, très bref, l’anéantit, n’en laissant qu’un petit tas de cendres.

Un petit vent léger s’était levé, dispersant déjà les cendres, repoussant les nuées orageuses. Doucement, comme une eau bienfaisante, il rafraichissait le front brûlant de la jeune fille, apaisait son angoisse, détendait ses membres crispés, régénérait son corps.

Lentement, elle reprit conscience, se redressa sur ses coudes, puis se leva. Elle ne comprenait pas : s’était-elle endormie dans la forêt ? Aussi imprudemment ? Regardant le soleil, elle se rendit compte qu’elle avait dû s’assoupir une petite heure. Et sa Mamie qui l’attendait, elle devait se faire bien du souci, ce qui pouvait aggraver son état. Vite, elle ramassa son panier et, courant presque, se précipita vers la maisonnette.

Tout en se hâtant, elle réfléchissait, rappelait ses souvenirs. Rien. Rien qu’une sensation de vide, de noir. Tout en pensant qu’elle avait dû rêver, faire un cauchemar, elle se jura de ne plus jamais prendre le raccourci du Bois, plus jamais !

Essoufflée, elle ouvrit la petite porte et sourit à sa Mamie. La vieille femme la regardait avec amour : « Ma chérie, je suis heureuse de te voir saine et sauve. Figure-toi que j’ai fait un bien mauvais rêve : tu étais en proie à une force implacable, impitoyable qui voulait t’attirer dans son néant infernal. Imagine un peu : de toutes mes forces j’essayais de te délivrer et je me battais comme un diable dans un bénitier. Et maintenant, je suis fatiguée et courbatue. Je suis une vieille sotte, n’est-ce pas ? À moins que ce soit l’effet des premiers soleils : ils sont traitres, ceux-là.

-« Ma petite Mamie, comme ton amour m’est précieux si tu savais..! Tu es ma Mamie adorée, ma courageuse Mamie ! »

Et elles s'embrassaient tendrement.

 

 

 

Achevé le 20/03/2015

 

Crédits : Imagerie d'Épinal, Anna Velichkovsky, Shutterstock, Ptluc

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